Bog auteur consacré à la littérature et au cinéma de genre, principalement le noir mais pas seulement.
Aujourd'hui: "American tabloid" de James Ellroy (1995)
Ils sont trois. Pete Bondurant, ancien policier reconverti dans les activités illégales, Kemper Boyd, agent du FBI ambigu et Ward Little, autre agent du bureau fédéral empêtré dans la surveillance des communistes américains. Trois hommes sur le fil du rasoir dont les destinées vont converger vers la famille Kennedy et partant vers l'assassinat du président JFK issu de cette lignée. Dans la foulée, ils côtoieront des personnages éminents et peu recommandables tels J.Edgar Hoover, célèbre patron du FBI; et de nombreux pontes de la Mafia.
James Ellroy est décidément l'homme des sagas (Des romans noirs épiques selon ses termes) Après la trilogie Lloyd Hopkins, le quatuor de Los Angeles, voici "Underworld USA" dont "American tabloid" est le premier opus. Si les oeuvres précédentes du "Demon dog" se limitaient à la cité des anges, celle-ci voit plus large puisqu'elle s'attaque à l'histoire récente des Etats-unis et, en l'espèce, l'un de ses traumatismes les plus profonds: le meurtre sous le regard des caméras du président Kennedy.
Si ce dernier ainsi que les autres membres clés de la famille n'apparaissent qu'en creux, une vérité est énoncée dans ce volume: la différence entre l'image et la réalité. Certes, ce n'est pas en soi une nouveauté. De nombreux livres et études avaient déjà pointé du doigt les contradictions et la corruption fondamentale des Kennedy, loin du glamour et de l'idéalisme que beaucoup ont vu en eux. L'originalité réside en cela que Ellroy prend comme témoins des hommes certes fictifs mais réalistes dans leur pacte avec le pire et ce même si parfois ils peuvent parfois faire preuve de courage et d'une forme de noblesse tel Kemper Boyd qui élimine un membre du KKK, qui pourtant travaille avec lui.
Outre ce moralisme sans niaiserie et pas sans profondeur, le livre offre une ahurissante galerie de portraits, en particulier pour ce qui concerne les barons de la pègre qui tiennent un rôle de premier plan ici. Stupides, vulgaires et forcément brutaux jusque dans leurs loisirs (Ah, la scène de la pêche aux requins à la mitraillette!) Et en même temps fort drôles. Si tous ces gens ont bien existé, Ellroy les fait revivre avec truculence.
Voila pour le fond. La forme n'est cependant pas en reste avec le style qu'il serait injuste de qualifier de nerveux. Non, ici il épouse un rythme d'arme automatique à l'image de l'outil principal de nombreuses figures du récit. A cela s'ajoute un usage intelligent de rapports et d'articles qui augmentent le réalisme ou plus exactement permettent d'accepter les distorsions qu'inflige Ellroy à l'histoire (Même si les événements véridiques sont respectés)
Indiscutablement un grand livre. A lire? Et comment!