Bog auteur consacré à la littérature et au cinéma de genre, principalement le noir mais pas seulement.
Aujourd'hui: "Flic story" de Jacques Deray (France, 1975)
La traque du truand Emile Buisson par le commissaire Borniche.
"Flic story", un titre qui parle surtout en regard du contexte de la sortie du film, c'est à dire le milieu des années 70, période ou la violence urbaine qui gagnait du terrain (Les choses ne se sont pas arrangées depuis, mais c'est un autre sujet) conférait par conséquent aux policiers un statut de dernier rempart contre la barbarie ambiante. "L'inspecteur Harry" en fut à la fois Outre-Atlantique le prototype et le meilleur exemple. En Europe aussi, la figure du flic - terme argotique qui perdait pour cette occasion sa connotation péjorative- se multiplia sur les écrans. En Italie avec Maurizio Merli ou Antonio Sabato, et en France. Belmondo et Delon, les faux-jumeaux, donnèrent beaucoup au genre. Et Delon en particulier, car si Belmondo affectionna le polar il ne fut pas tant que cela du côté de la loi. Il en alla tout autrement pour Delon qui porta plus d'une fois la carte tricolore dans ses rôles. Il est d'ailleurs intéressant à ce propos de savoir que Delon préféra jouer le flic plutôt que le truand quand le film lui fut proposé.
Ceci posé "Flic story" appartient à une tendance spécifique du polar e l'époque, celle tournée vers le passé, s'inscrivant dans un mouvement plus général qualifié de "Rétro". A partir d'un certain moment en effet, le cinéma d'après 68 se pencha sur les décennies précédentes. "Flic story" en est un exemple, il est de surcroît à ce titre un film historique en cela qu'il mentionne discrètement mais mentionne tout de même l'influence de la guerre achevée sur le travail de police. Cela s'entend quand Borniche déclare son refus de la torture, motivé par celle infligée par les nazis à son frère engagé dans la résistance. Ce qui bien entendu n'empêche pas Borniche d'accomplir sa mission de policier.
Enfin, "Flic story" offre un cas de psychologie criminelle intéressant en cela...que la psychologie y est évitée. Buisson est froid, taciturne, se résumant à "être ce qu'il fait". Seuls quelques détails le sorte de sa condition de bandit froid et brutal. Son goût pour Edith Piaf, sa lecture du Figaro et sa haine des "donneuses", la trahison l'affectant jusque à l'obsession. Sinon, pas de motivations, pas de traumatismes d'enfance ou de rapport malsains à la mère (Au père, à l'oncle ou à Bernard le tapir) Loin de desservir le personnage, il le rend très efficace car il conserve son mystère et ce d'autant plus qu'il bénéficie du jeu discret de Jean Louis Trintignant.
Delon apporte le contrepoint nécessaire, tout en humanité, sans exclure la force.
Un très bon polar, représentant d'un cinéma hélas disparu professionnel et respectueux du public.